Le XIVe siècle fut pour l’Orient Chrétien un siècle de grands paradoxes. Depuis la renaissance de l’empire byzantin par les Paléologues en 1261 qui donnait une lueur d’espoir après les conquètes musulmanes et l’occupation latine des Croisés, Byzance vécut dans une incertitude politique qui laissait présager la conquète ottomane de 1453. Assiégée par les marchands véniciens et génois qui contrôlaient le commerce maritime, Constantinople devait se tourner vers Rome en quête de soutien militaire pour retarder la menace ottomane constamment grandissante. Plus au nord, chez les Slaves, suite à la destruction de Kiev, mère des villes russes, par les Tartares en 1240 et qui se trouvait depuis sous la domination lithuanienne, la principauté de Moscou se développait mais demeurait toujours menacée par la Horde d’Or.

Malgré l’obscurité qui se dégageait de cette incertitude politique, le XIVe siècle fut un moment lumineux de l’histoire du monde byzantino-slave. Ce furent la théologie et de la liturgie de l’Église qui apportèrent la lumière spirituelle éclairant la noirceur quotidienne. Le Mont Athos, la Sainte Montagne du monde orthodoxe, joua ici un rôle de premier ordre.

Cette péninsule isolée et éloignée des grands centres urbains avait attiré dès le VIIe siècle des ermites qui y avait trouvé un lieu propice à la prière et à l’hésychia, la quiétude du cœur, tels que l’avaient été jadis les déserts d’Égypte, de Palestine, de Syrie et de Cappadoce, occupés depuis par les Musulmans. Depuis la fondation de la Grande-Laure en 963 par saint Athanase l’Athonite des moines grecs, russes, serbes, bulgares, géorgiens, de même que des bénédictins italiens s’y installèrent, créant ainsi une fédération monastique multiethnique et pan-orthodoxe. Les grands personnages qui ont marqué cette période de l’histoire byzantino-slave, tels que Grégoire le Sinaïte, Grégoire Palamas, le patriarche de Constantinople Philothée Kokkinos, l’archevêque Sabba de Serbie, les patriarches Théodose et Euthyme de Trnovo et le métropolite Cyprien de Kiev y ont vécu et y ont reçu leur formation spirituelle. Deplus, la majorité des patriarches œcuméniques de cette époque furent élus parmi ces moines athonites et influencèrent non seulement la vie de l’Église, mais aussi la politique et la culture de cette Byzance restaurée.

La Sainte Montagne avait été propice à un renouveau ascétique et mystique aux XIIIe et XIVe siècles. Ce renouveau que l’on qualifie d’hésychaste prend ses racines dans le mode de vie des premiers anachorètes chrétiens désirant vivre l’Évangile au désert. Il consiste en une quête de la quiétude (hésychia) du cœur, en s’appliquant à vaincre les passions pour que l’homme soit en parfaite communion avec Dieu. Cette recherche se fait dans la prière continuelle, axée à vaincre les passions du corps et à purifier les pensées de l’esprit pour ramener l’homme à Dieu. Ce renouveau est d’ailleurs souvent identifié avec la pratique de la prière de Jésus : « Seigneur, Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi ». Cette prière était parfois accompagnée d’une technique psycho-somatique. En fixant les yeux sur le nombril ou le cœur et régularisant la respiration, celle-ci aidait à la concentration, comme l’attestait déjà Évagre le Pontique au IVe siècle. Largement diffusée au XIVe siècle, cette méthode fut à l’origine de malentendus.

Un moine d’Italie du Sud qui avait séjourné à l’Athos, Barlaam le Calabrais, convaincu que le Dieu transcendant était totalement inconnaissable, estimait malencontreusement que les moines hésychastes ne faisaient que se regarder le nombril. Il écrit : « J’ai été initié par eux à des monstruosités et à des doctrines absurdes qu’un homme ne peut dignement énoncer s’il a de l’esprit ou de la raison [...] Ils m’ont livré leurs enseignements... sur des entrées et des sorties intelligibles qui se produisent par les narines simultanément à la respiration, sur des boucliers qui se réunissent autour du nombril, et enfin, sur l’union de Notre Seigneur avec l’âme qui se produit à l’intérieur du nombril d’une façon sensible en pleine certitude du cœur »[1].

Contre cette approche imprégnée de spiritualisme platonicien, Grégoire Palamas, qui avait été moine à la Grande Laure et higoumène du monastère d’Esphigmenou avant de devenir archevêque de Thessalonique, prit la défense des moines hésychastes. La controverse hésychaste qui occupa le monde byzantin du XIVe siècle tournait donc autour de trois points : la possibilité de connaître Dieu directement, la méthode de la prière hésychaste et la nature de la lumière thaborique en tant qu’énergie incréée. Saint Grégoire Palamas n’a fait ici que systématiser la théologie des Pères en y apportant des précisions, des clarifications, mais n’a rien inventé de nouveau. La théologie du mouvement hésychaste est une théologie de la communion à la vie divine, de la déification.

Cette polémique et cette théologie a été bien étudiée au XXe siècle, grâce aux travaux de l’archevêque Basile Krévocheine, de l’archimandrite Cyprien Kern, de l’œuvre magistrale du Père Jean Meyendorff, et du travail d’édition mené par Panagiotis Christou. Néanmoins, on réduit parfois la tradition hésychaste à la pratique de la prière de Jésus, oubliant l’importance accordée par les hésychastes à la tradition liturgique. Nous restons parfois sur l’impression que les moines hésychastes pratiquaient une prière solitaire et laissaient de côté la prière liturgique, communautaire.

Or, il s’avère que les moines hésychastes furent à l’origine d’une véritable réforme liturgique qui fut déterminante dans le monde byzantino-slave à la fin du XIVe siècle. Dû au déclin du Stoudion et l’occupation latine de 1204, l’Eglise byzantine adopta le Typikon (Ordo) de la Laure de Saint-Sabas en Palestine par l’intermédiaire de l’Athos.

C’est en effet à l’Athos que le futur patriarche de Constantinople et biographe de saint Grégoire Palamas, Philothée Kokkinos, alors higoumène de la Grande Laure, rédigea sa Diataxis, codifiant les rubriques des Vêpres, des  Matines et de la Divine Liturgie selon les usages sabaïtes en usage alors à l’Athos. Il élabora ainsi la systématisation de la pratique liturgique du monde byzantino-slave sur le modèle athonite. Sa réforme fut diffusée par les hésychastes qui prirent le contrôle du patriarcat œcuménique et des grandes métropoles slaves. C’est ainsi que le métropolite Cyprien de Kiev, hésychaste et disciple de Philothée, œuvra à la diffusion du Typikon sabaïte dans sa métropole. Nous voyons donc que le mouvement hésychaste n’est pas seulement à l’origine d’une synthèse doctrinale mais aussi d’une synthèse liturgique qui marqua, pour ainsi dire, la fin du développement du rite byzantin. Et cette synthèse liturgique se fondait sur une théologie dont nous nous proposons d’esquisser maintenant les fondements.

Nous savons que la théologie hésychaste fit sien l’antique adage patristique que saint Irénée de Lyon formule de cette façon : « Le Verbe de Dieu s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme pour que l’homme, en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi la filiation adoptive, devienne fils de Dieu »[2]. Saint Athanase d’Alexandrie se fait, à son tour, le porte-parole de cette théologie de la divinisation en résumant ainsi tout son traité sur l’Incarnation : « [Dieu] s’est fait homme pour que nous devenions Dieu »[3].

Le thème patristique de la déification ou de la divinisation (qevwsi") a particulièrement été  mis à l’honneur à partir du VIe siècle dans la tradition dionysienne. En effet, pour l’auteur écrivant sous le pseudonyme de Denys l’Aréopagite, le salut (swthriva) « n’est possible que par la déification de ceux qui sont sauvés (qeoumevnwn tw`n swzomevnwn). Et la divinisation (qevwsi"), c’est ressembler à Dieu et nous unir à lui autant que nous le pouvons »[4]. Réfléchissant sur la hiérarchie ecclésiastique comme mode de transmission des énergies divines, Denys estime que la déification se réalise par les sacrements de l’Église dont il fait un commentaire dans un de ses traités : « Pour nous, c’est au moyen de symboles sensibles (aijsqhtw`n sumbovlwn) que nous nous élevons autant que nous le pouvons jusqu’aux contemplations divines »[5].

C’est sur ce même plan de la déification ou de la divinisation (qevwsi") que les hésychastes, héritant de cette tradition dionysienne, placeront, au XIVe siècle, le mystère du salut de l’homme. Saint Grégoire Palamas se fait l’écho de saint Irénée et de saint Athanase lorsqu’il affirme : « Étant devenu fils de l’homme et ayant assumé la mortalité, Il transforma les hommes en fils de Dieu, les ayant fait communier à la divine immortalité (koinwnou;" poihvsa" th`" qeiva" ajqanasiva") »[6]. Ainsi, le salut se fait dans la perspective dynamique de l’union de l’homme à Dieu, une union qui n’est devenue possible qu’à  partir du moment où Dieu s’est incarné.

Les hésychastes, dont saint Grégoire Palamas se présente comme le grand docteur, insistent sur le fait que la prière et les sacrements de l’Église sont les deux moyens dont l’homme dispose pour réaliser son union à Dieu. « Or, on s’unit à lui », nous dit saint Grégoire Palamas, « autant qu’il est possible, en partageant avec lui des vertus semblables, et en partageant la demande et l’union dans la prière à Dieu »[7]. Au sujet des sacrements, saint Grégoire Palamas écrit : « Il accorde une rédemption parfaite, non seulement à la nature qu’il nous emprunta dans une indéfectible union, mais à chacun de ceux qui croient en lui... Dans ce but il institua le divin baptême, il détermina des lois conduisant au salut, il prêcha à tous la pénitence et communiqua son propre Corps et son propre Sang ; ce n’est pas simplement la nature, mais l’hypostase de chaque croyant qui reçoit le baptême, vit suivant les commandements divins et communie au Pain déifiant et au Calice »[8]. De là, il apparaît que pour caractériser la théologie liturgique des hésychastes, il convient de se pencher sur la prière, la veille, le jeûne et l’Eucharistie, qui dès l’antique tradition monastique, étaient les moyens permettant la rencontre de l’homme avec Dieu.

Prière et déification

La prière, nous dit Évagre, « est la conversation de l’esprit avec Dieu »[9]. Pour saint Jean Climaque, « la prière est quant à sa nature, la conversation et l’union de l’homme avec Dieu, et quant à son efficacité, la conversion du monde et sa réconciliation avec Dieu, la mère aussi bien que la fille des larmes, la propitiation pour les péchés, un pont élevé par-dessus les tentations, un rempart contre les tribulations, l’extinction des guerres, l’œuvre des anges, la nourriture de tous les êtres incorporels, la joie future, l’activité qui ne cesse jamais, la source des grâces, le pourvoyeur des charismes, un progrès invisible, l’aliment de l’âme, l’illumination de l’esprit... »[10].

En ce sens, pour les hésychastes, la prière permet à l’esprit (nous) humain de s’unir à l’Esprit-Saint et ainsi, elle devient un véhicule pour la déification. Saint Grégoire Palamas écrit : « Or, on s’unit à lui, autant qu’il est possible, en partageant avec lui des vertus semblables, et en partageant la demande et l’union dans la prière à Dieu »[11].

A la question — « Qu’est-ce que la prière ? » — saint Grégoire le Sinaïte répond de plusieurs façons. « Et pourquoi parler de la longueur, dit-il. La prière est Dieu qui agit en tout chez tous les hommes »[12]. « Personne ne peut maîtriser son intellect sauf s’il est maîtrisé par l’Esprit Saint »[13]. « La prière est la manifestation du baptême » (baptivsmato" fanevrwsi")[14]. Comme le commente l’évêque Kallistos de Diokleia, « prier est passer du stade de la grâce baptismale présente en nos cœurs secrètement et inconsciemment à un point de pleine perception et de conscience lucide lorsque nous ressentons l’action de la grâce directement et immédiatement »[15].

L’universalité de la prière

La prière est donc l’aspect fondamental à la vie chrétienne dont la vie monastique n’est qu’un paradigme. Pour saint Grégoire Palamas, le commandement de saint Paul — « Priez sans cesse » (1 Th 5,17) — doit être appliqué à tous les chrétiens sans aucune exception. Par conséquent, la prière s’adresse à la fois aux moines et aux gens vivant dans le monde. Le patriarche Philothée (Kokkinos) raconte dans la Vie de saint Grégoire Palamas la conversation que ce dernier eut avec un de ses amis nommé Job :

« Un jour que le saint était en conversation avec lui, il lui parla de la prière, il lui dit que tout chrétien devait simplement toujours s’efforcer de prier, et prier continuellement, comme l’ordonne l’apôtre Paul à tous : ‘Priez continuellement’, et comme le dit le prophète David, bien qu’il fût roi et eût tous les soucis de son royaume : ‘J’ai toujours le Seigneur devant moi’, c’est-à-dire : par la prière, dans mon intelligence, je vois toujours le Seigneur devant moi. De même, Grégoire le Théologien enseigne à tous les chrétiens qu’il nous faut, dans la prière, nous souvenir du nom de Dieu plus souvent que nous prenons notre respiration. Le saint disait donc ces choses, et d’autres encore, à son ami Job. Et il ajoutait qu’il nous fallait obéir aux recommandations des saints, et que non seulement nous devions prier nous-mêmes continuellement, mais que nous devions aussi enseigner les autres, les moines et les laïcs, les sages et les ignorants, les hommes comme les femmes et les enfants, et les exhorter à prier toujours. La chose parut nouvelle au vieillard Job, et il se mit à contester. Il dit au saint que la prière continuelle est le seul fait des ascètes et des moines qui vivent en dehors du monde et de ses distractions, mais qu’il est impossible que prient toujours ceux qui sont dans le monde et ont tant de soucis et de travaux. Le saint lui donna encore d’autres témoignages, d’autres preuves irréfutables. [...] Mais que disent les hommes qui vivent dans le monde ? ‘Nous sommes au milieu de tant d’affaires et de soucis. Comment est-il possible de prier continuellement ?’ Je leur réponds : ‘Dieu ne nous a rien demandé d’impossible. Il ne nous a ordonné que ce qui était en notre pouvoir de faire. Tout homme qui, en s’en donnant la peine, cherche le salut de son âme est capable de parvenir à la prière continuelle. Car si la chose était impossible, elle le serait pour tous les laïcs, et il ne se trouverait pas tant d’hommes dans le monde pour y parvenir »[16].

En affirmant le principe de l’universalité de la prière, les hésychastes ne concevaient pas deux canons ou règles de prière, deux typika liturgiques — un séculier et l’autre monastique, mais un seul, car la prière est universelle, elle fait partie de la vie de tous les chrétiens, laïcs ou moines.

Prière et psalmodie

La tradition dionisienne, reprise par saint Maxime le Confesseur et la tradition monastique, distingue trois degrés de la vie spirituelle  (purification, illumination et perfection) qui reflètent les trois degrés de la prière chez Evagre : la praktikè qui reflète le début du combat spirituel, combat qui se focalise sur les passions, mène à la physikè, un degré davantage spirituel où l’homme combat ses pensées. Le troisième degré est la théologia — un degré de connaissance véritable de Dieu qui se conjugue avec la prière pure. Marc le Moine, dont les écrits étaient appréciés par les hésychastes athonites, hérita lui aussi de cette subdivision lorsqu’il classe les chrétiens en trois groupes : les commençants, les progressants et les parfaits[17].

Or nous retrouvons cette approche chez le maître de l’hésychasme athonite. Aux chapitres 99 et 101 de ses sentences recueillies dans la Philocalie, saint Grégoire le Sinaïte décrit le programme de la journée d’un kelliote : « Celui qui cherche l’hésychia doit avoir pour fondement d’abord ces cinq vertus sur lesquelles l’œuvre s’édifie : le silence, la tempérance, la veille, l’humilité et la patience ; ensuite les trois œuvres qui plaisent à Dieu : la psalmodie, la prière, la lecture, et aussi le travail manuel si l’on est faible »[18].

Il apparaît dans ce passage une distinction entre la prière et la psalmodie qui peut être identifiée avec les offices des heures. Cette distinction n’est pas nouvelle, puisque nous la retrouvons dans la tradition patristique. Saint Jean Climaque les distingue en effet lorsqu’il écrit : « Consacre la plus grande partie de la nuit à la prière et une moindre partie à la psalmodie. Et durant le jour, arrange-toi de nouveau selon ta force »[19]. Commentant ce passage de l’Échelle, saint Grégoire le Sinaïte explique que la psalmodie est une première étape qui nous mène vers la prière pure : « Psalmodier beaucoup est le propre des moines actifs, qui font ainsi pour comprendre ce qu’ils chantent et pour se donner de la peine. Mais les hésychastes se plaisent à prier Dieu dans leur cœur, en se détachant des pensées »[20]. Il ne faut pas pour autant conclure, comme le suggère le Père Jean Meyendorff, que Grégoire le Sinaïte ait appartenu à une tendance individualiste  du mouvement hésychaste niant la prière communautaire[21]. Saint Grégoire le Sinaïte se fait ici l’écho de saint Jean Climaque en considèrant la prière comme supérieure à la psalmodie : « Celui qui vit en communauté ne peut tirer autant de profit de la psalmodie que de la prière ; car le bruit confus des voix distrait de l’attention aux psaumes »[22].

Saint Jean Climaque ne nie cependant aucunement l’importance de la psalmodie qu’il considère comme un moyen pour arriver à un degré supérieur de prière allant de pair avec l’impassibilité. Il écrit : « Un excellent cheval, à mesure qu’il avance, s’échauffe et s’anime de plus en plus dans sa course. Par sa course, j’entends la psalmodie ; et par le cheval, un intellect courageux. Il flaire de loin la bataille (cf. Job 39, 25), il se tient prêt et demeure entièrement invincible »[23]. Il apparait ainsi que la psalmodie n’est qu’un aspect extérieur de la prière, un moyen qui permet d’en arriver à la prière pure. C’est en ce sens que la psalmodie convient donc à tous : « Il est possible de prier parmi un grand nombre (de frères). Beaucoup s’accomodent bien de le faire avec un seul compagnon animé du même esprit. La prière solitaire ne convient qu’à un très petit nombre »[24].

De là il est intéressant de rappeler la règle de la Laure de Saint-Sabas qui exigeait des novices d’apprendre le Psautier et de connaître le fameux « canon de psalmodie » par cœur avant de quitter le cénobium pour vivre en anachorète. Cyrille de Scythopolis, dans la Vie de saint Sabas nous apprend que les novices apprenaient cette règle par cœur, de même que le Psautier, lors de leur entrée au monastère : « Lorsqu’il recevait des séculiers désireux de faire leur renoncement, il ne les laissait pas habiter au Castellion ni dans une cellule à la laure, mais il avait fondé un petit cénobium au nord de la laure et y avait installé des hommes endurcis à l’ascèse et vigilants, il y faisait habiter les renonçants jusqu’à ce qu’ils eussent appris le Psautier et l’office canonial et qu’ils eussent été formés à la discipline monastique »[25]. Cette tradition du monachisme palestinien a donc été transplantée à l’Athos avec l’émigration des moines de Palestine à la Sainte Montagne et s’est retrouvée ainsi dans les milieux hésychastes.

Saint Grégoire le Sinaïte parle clairement de l’organisation de la journée du moine hésychaste : « A la première heure, dès l’aurore, se consacrer au souvenir de Dieu par la prière et l’hésychia du cœur, prier continuellement ; à la deuxième heure, lire ; à la troisième, psalmodier ; à la quatrième, prier ; à la cinquième, lire ; à la sixième, psalmodier ; à la septième, prier ; à la huitième, lire ; à la neuvième, psalmodier ; à la dixième, manger ; à la onzième, dormir si c’est nécessaire ; à la douzième, psalmodier les vêpres. Bien passer ainsi le stade du jour plaît à Dieu. [...] Il est aisé, si l’on veut, de passer aussi le temps de la nuit. Écoute. La veille nocturne a trois modes : celui des novices, celui des moyens et celui des parfaits. Le premier mode est celui-ci : dormir la moitié de la nuit et veiller l’autre moitié ; ou bien depuis le soir jusqu’à minuit, ou bien de minuit jusqu’à l’aube. Le deuxième mode est : veiller depuis le soir une heure ou deux, puis dormir quatre heures, et se lever pour les matines, psalmodier et prier six heures jusqu’à l’aube. Psalmodier alors la première heure et s’adonner à l’hésychia comme il a été dit. Et ou bien observer durant les heures la règle du travail, ou bien garder ferme la continuité de la prière, qui donne son état à qui mène cette vie. Le troisième mode est la station debout et veille toute la nuit »[26].

Nous pouvons faire ici plusieurs remarques.

1) Tout d’abord, il est remarquable que le programme qu’a défini saint Grégoire le Sinaïte nous rappelle les origines de l’Horologion palestinien. En effet, nous savons que les différents offices des heures de la journée, constituant notre Horologion, correspondaient en fait au canon de prière des différentes heures du jour et de la nuit. Les hésychastes du XIVe siècle se rattachaient à l’ancienne tradition monastique de Palestine où le fameux « canon de psalmodie » (kanw;n th`" yalmwdiva") était à l’origine de l’Horologion palestinien. Ainsi, l’office divin rythmait la prière continuelle des moines aux différentes heures du jour et de la nuit, et dans la perception des hésychastes, il devait aussi rythmer, dans la mesure du possible, la prière de tous les chrétiens. Il n’est donc pas étonnant que le métropolite Cyprien entreprit sa réforme en éditant un Psautier suivi, composé d’un Psautier et d’un Horologion, reflétant les usages néo-sabbaïtes et pouvant servir à la fois aux kelliotes, aux moines cénobites et aux églises paroissiales.

2) Deuxièmement, il apparaît ici clairement que les hésychastes n’étaient pas dispensés de réciter l’office divin[27]. D’ailleurs, il est intéressant de rapprocher cet enseignement de saint Grégoire le Sinaïte à un passage d’une lettre du patriarche Euthyme de Trnovo au moine Cyprien : « Ne néglige aucunement le chant matinal et les heures, les vêpres de même que les complies, et avec ces derniers, l’office de minuit, car ils sont des armes puissantes de l’âme contre les ennemis »[28].

D’autres hésychastes comme les patriarches Calliste et Ignace Xanthopouloi témoignent d’une tradition commune à celle de saint Grégoire le Sinaïte. Ils insistent également, tout comme le patriarche Euthyme, sur la récitation, en cellule, de l’office de minuit, de l’hexapsalme, du psaume 50, du canon de l’orthros, de l’hymnographie, de la doxologie, de la première heure et des autres offices des heures, en plus de la prière de Jésus. C’est ce que nous lisons dans leur centurie spirituelle qui fut incluse dans la Philocalie :

« Au coucher du soleil, après avoir appelé à l’aide le Seigneur infiniment bon et tout puissant, assieds-toi sur ton lit dans ta cellule calme et obscure. Recueille ton intelligence hors de son tournoiement et de son errance habituels au-dehors. Pousse-la doucement au-dedans du cœur par l’inspiration. Et retiens en lui la prière : ‘Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi’. [...] Puis lève-toi, chante avec attention les petites complies. De nouveau assieds-toi, retiens la prière autant que tu le peux, dans la pureté, dans le calme. [...] Dors cinq ou six heures. Ou plutôt, durant le temps de la nuit, aie toi-même le sommeil qui te revient. Quand tu te réveilles, glorifie Dieu, appelle-le aussitôt à ton secours, et commence par la première œuvre : prier dans le cœur calmement, en toute pureté, pendant une heure. C’est là le moment où l’intelligence est naturellement la plus sereine, la plus paisible. [...] Après cela, chante l’office de minuit. Si à ce moment-là tu ne peux pas offrir les prémices, parce que tu n’es pas assez ferme pour atteindre une hésychia plus parfaite, ou pour toute autre cause, comme cela arrive souvent d’habitude à ceux qui font leurs premiers pas dans une telle œuvre, et même aussi, plus rarement, à ceux qui sont déjà plus avancés mais n’ont pas encore atteint la perfection (car les parfaits peuvent tout dans le Christ qui leur donne la force), donc lève-toi, sors du sommeil, éveille-toi autant que tu le peux, et commence par chanter l’office de minuit en toute attention et toute conscience. Puis assieds-toi, prie dans ton cœur, pur, recueilli, comme on l’a déjà montré, pendant une heure, et davantage si le Dispensateur des biens te l’accorde. [...] Puis lève-toi, chante en toute conscience l’hexapsalme, le psaume cinquante et le canon à ton gré. Assieds-toi de nouveau, demeure éveillé, prie en toute pureté pendant une demi-heure. Et lève-toi pour chanter les hymnes, la doxologie habituelle, la première heure, et après cela le congé. [...] Depuis l’aube jusqu’au repas, autant que tu le peux, consacre-toi tout entier à Dieu tout entier. Dans ton cœur brisé prie-le de venir en aide à ta faiblesse, à ta négligence, à ton irrésolution. Passe ton temps dans la prière du cœur, à la prière pure, recueillie, et dans la lecture, lisant debout les passages du psautier, des épîtres et du saint Évangile qui te sont prescrits, te consacrant de même aux prières à notre Seigneur Jésus-Christ et à la Mère de Dieu, très pure, puis assis, aux autres lectures des Écritures saintes. Après cela, chante en toute intelligence les heures habituelles, qu’ont très sagement ordonnées les nourriciers de l’Église. Après avoir soupé, comme doit faire celui qui combat, ainsi que l’ordonne le glorieux Paul quand il dit que celui qui mène la lutte doit se tempérer en tout (Cf. 1 Co 9,25), assieds-toi et fais une lecture, conséquente, surtout des écrits des Pères consacrés à la sobriété et à la vigilance. Dors ensuite une heure, si les jours sont longs. Puis lève-toi, travaille un peu des mains, en gardant la prière. Après cela, prie, comme on l’a montré, lis, médite, veille à t’abaisser, à te considérer au-dessous de tous les hommes. [...] Assieds-toi, prie dans la pureté et le recueillement, jusqu’à ce que vienne le temps du soir. Chante alors de même les vêpres ordinaires, et retire-toi » [29].

Cet enseignement de saint Grégoire le Sinaïte, celui des patriarches Calliste et Ignace Xanthopouloi et de la lettre d’Euthyme à Cyprien, nous montre bien que les hésychastes ne se concentraient pas uniquement sur la prière de Jésus mais tenaient en très haute estime l’office divin des heures. La prière personnelle est intimement liée à la prière de l’Église. C’est ainsi que les différents offices des heures, lorsqu’ils ne peuvent être célébrés à l’église, entrent dans la règle de prière personnelle.

Veille et prière nocturne

La règle de saint Grégoire le Sinaïte atteste également que les hésychastes chérissaient la prière pendant la nuit. En effet, pour Grégoire le Sinaïte, le moine parfait est celui qui ne dort pas la nuit mais la passe entièrement debout en prière. La prière nocturne est une constante dans toute l’ancienne tradition monastique dont nous avons plusieurs exemples. Les moines considéraient en effet la nuit comme un moment propice à la prière, où l’homme peut s’entretenir seul à seul avec Dieu.

Par exemple, nous lisons dans l’Histoire des moines d’Égypte que saint Antoine réveillait son disciple Paul le Simple au milieu de la nuit pour passer le reste de la nuit dans la prière, et ce, jusqu’à la neuvième heure du jour[30]. Jean Cassien atteste cette antique pratique dans le monachisme égyptien, qu’il rattache à la fameuse règle des douze psaumes qui fut révélée par un ange à Pachôme[31].

Abba Isaïe, qui a lui-même inspiré saint Jean Climaque et que saint Grégoire le Sinaïte portait en haute estime, chérissait la prière nocturne et c’est pourquoi il encourage ses moines de cette façon : « Fais ta vigile avec dignité, et ne prive pas ton corps de ce dont il a besoin, mais accomplis tes offices avec mesure et science de peur que par l’excès de veille l’âme ne s’obscurcisse et n’abandonne le stade ; mais la moitié de la nuit suffit pour les offices et l’autre pour le repos du corps ; passe deux heures avant de te coucher à prier et à psalmodier, puis repose-toi, et lorsque le Seigneur te réveillera, fais ton office avec zèle »[32]. Le programme de saint Grégoire le Sinaïte s’inspire de celui de saint Jean Climaque qui écrivait : « Consacre la plus grande partie de la nuit à la prière et une moindre partie à la psalmodie. Et durant le jour, arrange-toi de nouveau selon ta force »[33].

Nous comprenons maintenant l’attachement qu’avaient les hésychastes pour la prière nocturne et plus particulièrement pour l’office d’agrypnie, de vigile nocturne, propre au typikon sabaïte, et pourquoi la diffusion de cet office purement monastique à toute l’Église fut un point fondamental de leur réforme liturgique. Ainsi, l’office qui à l’origine était né, comme nous le savons, pour des raisons pratiques — l’impossiblité des moines ermites de faire des aller-retour de l’église du monastère à leur kellia, fut imposé aux monastères cénobitiques et aux églises séculières pour une raison de théologie liturgique : l’attachement à la prière nocturne. C’est ainsi que cet office nocturne communautaire avait, à l’école de la prière, une fonction pédagogique de premier rang : l’entraînement à une prière nocturne personnelle. Nous savons en effet que, même aujourd’hui, les moines athonites consacrent à la prière hésychaste en cellule une grande partie de la nuit qu’ils considèrent comme leur « agrypnie personnelle ».

La pratique du jeûne

En plus de l’importance accordée à la prière et au canon de psalmodie, les hésychastes chérissaient particulièrement la pratique du jeûne. Pour saint Grégoire le Sinaïte, le jeûne était considéré comme l’un des piliers, avec la prière et la veille, de la vie du moine, et par conséquent, de tout chrétien : « Il nous faut parler également de la nourriture. Une livre de pain suffit à quiconque mène le combat pour l’hésychia. Boire deux verres de vin pur et trois d’eau, se nourrir des aliments qu’on a, non ceux que la nature recherche en son désir, mais user sobrement de tout ce que donne la Providence. C’est une science excellente et concise pour ceux qui veulent mener rigoureusement leur vie : observer les trois œuvres qui contiennent les vertus — je veux dire le jeûne, la veille et la prière — et qui assurent à tous le soutien le plus solide »[34].

Dans cette perspective, le jeûne est un soutien à la prière. Saint Jean Climaque avait déjà remarqué que ce n’est que par le jeûne que le chrétien peut progresser vers la prière pure : « L’intellect de celui qui jeûne prie avec sobriété ; mais l’esprit de l’intempérant est rempli d’images impures »[35]. Pour ce dernier, « le jeûne est une violence faite à la nature, l’amputation de ce qui flatte le goût, l’extinction du feu de la luxure, le retranchement des pensées mauvaises, la délivrance des rêves, la pureté de la prière, la lumière de l’âme, la garde de l’intellect, l’affranchissement de l’endurcissement, la porte de la componction, l’humble gémissement, la contrition joyeuse, l’assoupissement de la loquacité, la source de l’hésychia, le gardien de l’obéissance, l’allègement du sommeil, la santé du corps, le protecteur de l’impassibilité, la rémission des péchés, la porte du Paradis et de ses délices »[36].

Pour les hésychastes, le jeûne est aussi à considérer dans la perspective existentielle de la divinisation. Marc le moine, un auteur bien apprécié des hésychastes, laissait déjà entrevoir cette voie : « Grâce à elle [i.e. la véritable connaissance de Dieu] nous devons jeûner, veiller et nous mortifier afin que notre cœur et nos entrailles soient ouverts pour l’accueillir et ne la rejettent pas »[37]. Quant à Diadoque de Photicé, il évoquait lui aussi, bien avant les hésychastes, le jeûne comme instrument qui nous mène vers le but de notre vie qui est la divinisation : « Le jeûne comporte de la fierté à l’égard de lui-même mais non devant Dieu ; car c’est une sorte d’instrument qui dresse à la tempérance ceux qui le veulent. Les athlètes de la dévotion ne doivent donc pas en tirer vanité ; qu’ils attendent seulement, dans la foi envers Dieu, d’avoir atteint le but que nous nous proposons <en jeûnant> »[38].

C’est ainsi que nous nous apercevons que la pratique du jeûne, dès l’antique tradition monastique, rythmait l’attente de la rencontre de l’homme avec Dieu. Le patriarche Euthyme de Trnovo, dans sa lettre au moine Cyprien, écrit : « l’hésychia et le jeûne sont deux conjoints spirituels, une échelle menant aux cieux, la voie qui conduit sans égarement vers Dieu, deux chaînes bien unies ; l’hésychia et le jeûne sont deux intercesseurs de la pureté, les maîtres de la chasteté, une arme invincible contre les ennemis, une colonne inébranlable face à l’ennemi ; ceux qui de tout cœur demeurent en eux font couler de bons flots : ils marchent dans la voie royale, écrasent les passions, élèvent l’âme vers les hauteurs, sont admirables devant tous, accessibles à tous, beaux aux yeux de tous, car ayant aimé le Seigneur et le Roi de tous de toute leur âme, ils sont bien aimés de Lui »[39].

Les patriarches hésychastes Calliste et Ignace Xanthopouloi, dans leur centurie spirituelle reprise dans la Philocalie, décrivent ainsi la règle du jeûne des moines hésychastes : « Trois jours de la semaine — le lundi, le mercredi et le vendredi — prends toujours ton repas à la neuvième heure, ne mange qu’une fois par jour. Nourris-toi de six onces de pain, d’aliments secs, avec tempérance. Prends ce qui te suffit. Et bois trois ou quatre verres d’eau, à ton gré. [...] Les deux autres jours — le mardi et le jeudi — mange deux fois. [...] Mais si, pendant ces deux jours, tu préfères t’en tenir à un seul repas, tu feras très bien. Car les prémices, la mère, la racine, la source, le fondement de tous les biens sont le jeûne et la tempérance »[40].

Nos deux auteurs en arrivent à citer un passage de saint Isaac le Syrien où ce dernier ne fait pas que souligner les bienfaits du jeûne quant à la tempérance, mais insiste aussi sur le lien entre la prière, la veille et le jeûne — trois actions qui, selon saint Grégoire le Sinaïte, soutiennent toutes les vertus : « Saint Isaac dit aussi : ‘La peine de la veille et du jeûne est le commencement de tout combat contre le péché et la convoitise, surtout pour celui qui affronte le péché qui est à l’intérieur de nous. Ceux qui s’efforcent de mener ce combat invisible y voient ici le signe qu’ils haïssent le péché et sa convoitise. Presque toutes les attaques des passions commencent à diminuer dès lors qu’on jeûne. Et après le jeûne, la veille de la nuit contribue à l’ascèse. Celui qui, toute sa vie durant, aime unir en lui le jeûne et la veille, celui-là est l’ami de la chasteté. De même que la satiété du ventre et la mollesse du sommeil, qui enflamment le désir de la prostitution, sont le commencement de tous les maux, de même la sainte voie divine, le fondement de toute vertu, est le jeûne uni à la veille et à la vigilance dans la liturgie de Dieu’ »[41].

Ignace et Calliste concluent ainsi leurs chapitres sur le jeûne : « De même, tous les dimanches, comme les samedis, mange deux fois dans la journée. [...] Sur la nourriture que tu dois prendre, comme sur la vie que tu dois mener durant le saint carême, nous pensons qu’il est superflu de te donner une explication détaillée et particulière. Car tu dois faire pendant le saint carême, sauf les samedis et les dimanches, ce qui t’est ordonné les jours où tu manges à la neuvième heure. Si tu le peux, sois encore plus rigoureux et plus sobre durant le saint et grand carême, car il offre la dîme de l’année tout entière et donne, par le jour du Seigneur, le jour divin et lumineux de la Résurrection, les récompenses des combats à ceux qui parviennent à vaincre dans le Christ Jésus »[42].

Comme nous le constatons, le jeûne entre d’une part dans la théologie liturgique des hésychastes dans la perspective salvifique de la divinisation. Dans notre progression vers Dieu, le jeûne nous permet en effet de vaincre les passions et nous sert de support à la prière. Mais d’autre part, les hésychastes héritent, quant à la pratique du jeûne, de toute la tradition des Pères ascètes.

Jeûne et Eucharistie

Le jeûne, dans la théologie liturgique des hésychastes, n’est pas qu’un pur exercice ascétique. Dans la perspective de l’union à Dieu, il y a un lien très fort qui l’unit avec l’Eucharistie. C’est par l’Eucharistie qu’est rompu le jeûne et ce n’est qu’après l’Eucharistie que les moines se rendent au réfectoire. C’est pour cette raison que les jours de jeûne strict, comme les mercredis et le vendredis de la sainte quarantaine, l’Eucharistie est reportée après la neuvième heure, après les vêpres, pour justement prolonger le temps de jeûne pendant la journée. Ce n’est qu’après la célébration vespérale de l’Eucharistie qu’est pris l’unique repas de la journée. Comme le dit très bien le Père Alexandre Schmemann, « si nous essayons de déchiffrer ces prescriptions prosaïques du Typicon qui à première vue ne sont que des vestiges anachroniques d’une règle monastique désuète, nous trouvons toute une théologie du jeûne et de son rapport avec l’Eucharistie. Derrière ces règlementations paraissant souvent tout extérieures, futiles, presque absurdes — et elles le sont vraiment, détachées de leur sens spirituel — apparaît une compréhension profonde de la vie humaine en rapport avec le Christ et l’Église »[43].

C’est ce même auteur, qui a peut-être le plus réfléchi sur le sens de la liturgie byzantine au XXe siècle et défendu dans l’Église orthodoxe le principe de la théologie liturgique, qui a apporté une distinction importante entre le « jeûne-ascèse » et le « jeûne eucharistique »[44]. Comme il l’écrit et l’explique mieux que tout autre auteur : « Le jeûne acquiert un sens ‘christocentrique’ : il n’a de sens que par rapport au Messie ; le jeûne est le signe de l’absence de l’Époux, il est impossible en sa présence [cf. Mc 2,18 ; Lc 5,33-35 ; Mt 9,14-16]. [...] Or, dans la typologie biblique, ce Royaume se présente toujours comme un banquet, comme une rupture du jeûne (Is. 26,6). [...] D’un côté l’Église elle-même est le commencement, l’anticipation ‘eschatologique’ du Royaume, l’Époux y est présent et sa présence est manifestée dans la fraction du pain — klavsi" tou` a[rtou — dans le banquet eucharistique, qui est l’anticipation sacramentelle du banquet messianique. [...] Cette idée essentielle nous donne la clé des indications ‘techniques’ du Typicon, les remplit d’une signification spirituelle. Elles découlent de ce principe que l’Eucharistie n’est pas compatible avec le jeûne, ne peut et ne doit jamais être célébrée un jour de jeûne. Etant le sacrement de la présence de l’Époux, l’Eucharistie est la fête par excellence de la présence de l’Époux, l’Eucharistie est la fête par excellence de l’Église, l’Église en tant que fête, et par conséquence mesure et contenu de toutes les fêtes »[45].

La communion fréquente

Il serait erroné de considérer que c’est grâce au renouveau hésychaste du XVIIIe siècle que les orthodoxes prirent peu à peu conscience de l’importance de la communion fréquente[46]. En prenant la défense de cette pratique dans son traité[47], saint Nicodème l’Hagiorite ne fait que rapeller une ancienne pratique qui fut chère aux moines hésychastes de la Sainte Montagne.

L’évêque Kallistos de Diokleia s’est demandé à quelle fréquence les hésychastes recevaient l’Eucharistie, compte tenu du fait que saint Grégoire le Sinaïte y fait rarement référence dans ses écrits. Mais cela ne veut pas dire nécessairement que ceux-ci communiaient rarement. Il faut se rappeler que, vivant en réclusion, l’hésychaste ne retournait au monastère le plus proche que pour les dimanches et les fêtes, et recevait à cette occasion la communion. Les hésychastes qui vivaient très loin d’un monastère devaient attendre le passage d’un prêtre[48].

Il est intérressant de noter que la fameuse lettre d’Euthyme au moine Cyprien, évoque le problème de la communion eucharistique en l’absence de prêtre chez les moines kelliotes. L’une des questions soulevées dans cette lettre concerne l’ancienne pratique palestinienne de garder une réserve eucharistique dans les kellia des moines non-ordonnés et la possibilité de s’administrer la communion. Cette pratique ancienne fut à l’origine de l’office des Typiques de l’Horologe palestinien. Euthyme écrit à ce sujet que le moine en bonne santé est censé se rendre au catholicon pour la Divine Liturgie et y communier : « C’est pourquoi il ne convient pas à quelqu’un de négliger les saintes synaxes, étant sain et fort d’esprit, ni même le prêtre de Dieu, mais d’y venir avec humilité et de se délecter des redoutables et immortels mystères divins »[49]. Si quelqu’un ayant péché se trouve sous une épitimie, il ne peut s’administrer lui-même la communion qu’en cas de grave maladie : « s’il y a un quelconque besoin, étant au désert et sous une interdiction, à cause d’un quelconque péché, et se voit affligé d’une maladie très grave, s’étant rapproché des portes de la mort, et qu’il ne s’y trouve pas de prêtre ou de diacre, il convient qu’il s’administre lui-même la communion »[50]. Les moines n’ayant pas d’épitimie et qui se trouvent éloignés d’un monastère, peuvent eux aussi s’administrer la communion. Le patriarche Euthyme leur prescrit la règle suivante qui nous rappelle un peu l’office des typiques à son origine : « Ceux qui ne sont pas sous une interdiction et ayant la liberté de leur père spirituel et habitant les déserts éloignés ont le pouvoir de s’administrer eux-mêmes la communion quand ils le veulent. Il convient d’observer le modèle suivant de communion avec exactitude : on se doit de se garder depuis la veille de toute pensée mauvaise et de passer ainsi la nuit avec toute vigilance et beaucoup de génuflexions ; le jour s’étant levé, la troisième ou la sixième ou la neuvième heure étant passée, de se changer en des vêtements propres, et ainsi, d’allumer l’encensoir et le luminaire devant l’iconostase et d’encenser avec piété. Et alors de commencer le verset habituel, c’est-à-dire : ‘Par les prières de nos saints Pères, Seigneur, Jésus Christ, notre Dieu, aie pitié de nous’, puis le trisagion, et Très-sainte Trinité, et Notre Père, puis le psaume 50, puis ‘Je crois en un seul Dieu’ jusqu’à la fin, puis ‘A Ta Cène mystique’, — toutes les prières de la sainte communion, s’il arrive, sont lues avant toutes les autres — et alors on s’administre la communion des divins et redoutables mystères, mais avec une telle foi, comme si l’on mangeait le Corps même du Seigneur et le Sang et l’eau ayant coulé du côté du Christ lui-même, comme si l’on en buvait coulant alors des côtes mêmes du Sauveur »[51].

Nous voyons donc à partir de cette lettre d’Euthyme de Trnovo que les hésychastes considéraient que les kelliotes isolés pouvaient aussi s’administrer eux-mêmes la communion, comme le faisaient jadis les kelliotes sabaïtes ayant forgé notre office actuel des typiques[52]. L’Eucharistie était donc à leurs yeux le point culminant de toute leur vie ascétique, de leur prière, de leur vigile, de leur jeûne.

Les patriarches hésychastes Calliste et Ignace Xanthopouloi témoignent également d’une spiritualité et d’une théologie accordant une très grande importance à l’Eucharistie comme fondement à la divinisation du chrétien. A titre de conclusion à leur centurie spirituelle reprise dans la Philocalie, ils écrivent : « Rien ne concourt et ne contribue en nous à la purification de l’âme, à l’illumination de l’intelligence, à la sanctification du corps, à la transfiguration de l’une et de l’autre dans le divin, à l’immortalité, et, bien sûr, au rejet des passions et des démons, ou plus exactement à l’union, à la conjonction divine et surnaturelle qui nous ouvre à Dieu, comme de recevoir d’un cœur pur et prêt la continuelle communion des saints mystères immortels que rien ne souille et qui donne la vie, nous voulons parler du précieux Corps et du précieux Sang de notre Seigneur, de notre Dieu, de notre Sauveur Jésus »[53].

De ce fait, ils encouragent leurs moines à communier fréquemment en se référant à l’enseignement de saint Basile le Grand[54] et à la tradition des moines d’Égypte[55] : « De même le grand Basile écrit dans sa lettre à Césaria, la patricienne : ‘Il est bon et utile de communier chaque jour et d’avoir part au saint corps et au sang du Christ dès lors que lui-même a dit clairement : ‘Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle’ (Jn 6, 54). Qui doute, en effet, que participer continuellement à la vie ne soit pas autre chose que vivre pleinement ? Nous, cependant, nous communions quatre fois par semaine : le dimanche, le mercredi, le vendredi et le samedi, et aussi les autres jours, si l’on y fait mémoire de quelque saint.’ Ce sont ces jours-là, je pense, où célébrait le saint. Car il ne pouvait pas célébrer tous les jours, accaparé qu’il était par tant d’autres soins. Saint Appolos (Appolonios) dit également que le moine, s’il le peut, doit communier chaque jour aux sacrements du Christ. Celui qui s’éloigne d’eux, s’éloigne de Dieu. Mais celui qui ne cesse de communier, reçoit toujours la chair du Christ. Car la voix salutaire dit : ‘Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui’ (Jn 6, 56). C’est donc là que trouvent leur bien les moines qui font continuellement mémoire de la Passion du Sauveur. Chaque jour le moine doit être prêt, et se rendre tel qu’il soit toujours digne de recevoir le saint Sacrement. C’est ainsi que nous est donnée l’absolution des péchés »[56].

Conclusion

Pour terminer, nous voudrions insister sur le fait que les réformes liturgiques entreprises sous l’action directe des hésychastes dans la seconde moitié du XIVe siècle dans le monde byzantino-slave et qui ont achevé la formation du rite byzantin, en vigueur jusqu’à nos jours dans l’Église orthodoxe reflètent toute une théologie liturgique, ayant déterminé le choix du typikon diffusé.

L’aspect pratique de l’Horologion palestinien pouvant être utilisé comme règle de psalmodie en cellule, l’office d’agrypnie, propre au typikon sabaïte, les règles du jeûne plus rigoureuses et en plein accord avec l’ancienne tradition monastique — ont fait que le typikon sabaïte correspondait davantage à la théologie liturgique du mouvement hésychaste. C’est en ce sens que ce typikon reflétait à leur yeux l’universalité de la prière puisqu’il répond à la fois aux exigences des moines vivant en communauté dans un cénobium et des moines vivant en ermites dans des kellia, et peut également être exécuté plus facilement dans les églises paroissiales que les offices complexes du Typikon de la Grande Église.

Ainsi, la synthèse liturgique opérée par les hésychastes byzantins a fait du typikon sabaïte un paradigme de la vie chrétienne, régularisant la prière, la veille et le jeûne non seulement des moines mais aussi des chrétiens vivant dans le monde, rapellant ainsi leur vocation commune de communier à la vie divine (2 Pi 1,4).



[1] Barlaam le Calabrais, Lettre V à Ignace. (Éd. G. Shiro, Barlaam Calabro, Epistole Greche, Palerme, 1954, p. 323-324).

[2] Irénée de Lyon, Contre les hérésies, livre III, 19, 1 (SC 211, Paris, 1974, p. 374).

[3] Athanase d’Alexandrie,  De l’Incarnation du Verbe,  53 (SC 18, Paris, 1946 p. 312).

[4] Pseudo-Denys l’Aréopagite, De la hiérarchie ecclésiastique, PG 3, 376 A. Cf. Trad. française de M. de Gandillac, Œuvres complètes du Pseudo-Denys l’Aréopagite, Paris, 1943, p. 248 ; texte grec et trad. russe de G. M. Prokhorov : Dionisij Areopagit, O cerkovnoj ierarxii. Poslaniå. Saint-Petersbourg, 2001, p. 18-21.

[5] Pseudo-Denys l’Aréopagite, De la hiérarchie ecclésiastique, PG 3, 373 B. Cf. Trad. française de M. de Gandillac, Œuvres complètes du Pseudo-Denys l’Aréopagite, Paris, 1943, p. 247 ; texte grec et trad. russe de G. M. Prokhorov : Dionisij Areopagit, O cerkovnoj ierarxii. Poslaniå. Saint-Petersbourg, 2001, p. 16-17.

[6] Grégoire Palamas, Homélie 16, Sur l’économie du Christ, PG 151, 204 A. Cité d’après J. Meyendorff, Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, Paris, 1959, p. 225.

[7] Grégoire Palamas, « Sur la prière et la pureté du cœur  », 1, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 480.

[8] Grégoire Palamas, Homélie 5, PG 151, 64 D. Cité d’après J. Meyendorff, Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, Paris, 1959, p. 226.

[9] Evagre (Pseudo-Nil), De la prière, 3. PG 79, 1168 C-D.

[10] Jean Climaque, L’Échelle, 28e degré, 1. PG 88, 1129 A-B (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 290).

[11] Grégoire Palamas, « Sur la prière et la pureté du cœur  », 1, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 480.

[12] Grégoire le Sinaïte, Chapitre 113 (PG 150, 1280A).

[13] Grégoire le Sinaïte, Quomodo oporteat sedere hesychastam,  3 (PG 150, 1332A).

[14] Grégoire le Sinaïte, Chapitre 113 (PG 150, 1277D).

[15] Kallistos (Ware), « The Jesus Prayer in Saint Gregory of Sinai », Eastern Churches Review 4:1 (1972), p. 9. Cet aspect de l’enseignement de saint Grégoire le Sinaïte qui résume un point essentiel de la théologie hésychaste provient en fait de l’enseignement de Marc le Moine : « Car la grâce a été donnée secrètement à ceux qui ont été baptisés dans le Christ ; elle se montre efficace en proportion de la pratique des commandements et ne cesse de nous secourir en secret [...] elle agit au cours de la lecture de l’Écriture en assistant la pensée et en enseignant à l’intellect la vérité sur lui-même à travers son activité naturelle » Marc le moine, Traités spirituels et théologiques, II, 56. (Trad. C.-A. Zirnheld, SO 41, Bellefontaine, 1985, p. 47). A ce sujet, cf. : Kallistos Ware, « The Sacrament of Baptism and the Ascetic Life in the Teaching of Mark the Monk », Studia Patristica X (Texte und Untersuchungen 107, Berlin, 1970), p. 445-447.

[16] De la Vie de saint Grégoire, archevêque de Thessalonique. La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 831-832. Cf. Philothée de Constantinople, Encomium S. Grigorii Thessalonicensis, PG 151, 573B-574B.

[17] Marc le moine, Traités spirituels et théologiques, III, 11. PG 65, 981 B. (Trad. C.-A. Zirnheld, SO 41, Bellefontaine, 1985, p. 83).

[18] Chapitres 99 et 101 (PG 150, 1272C-1273A). Traduction anglaise de E. Kadloubovsky et G. E. H. Palmer, Writings from the Philokalia on Prayer of the Heart, Londres, 1951, p. 57-58. Traduction française de J. Touraille dans : La Philocalie, vol. 2, Paris, 1995, p. 394-395.

[19] Jean Climaque, L’Échelle, 27e degré, 92. PG 88, 1116 C (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 287).

[20] Grégoire le Sinaïte, « Comment chacun doit prier ». La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 821.

[21] J. Meyendorff, Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, Paris, 20022, p. 51.

[22] Jean Climaque, L’Échelle, 4e degré, 100. PG 88, 713 D (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 82).

[23] Jean Climaque, L’Échelle, 28e degré, 50. PG 88, 1137 A-B (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 297).

[24] Jean Climaque, L’Échelle, 18e degré, 5. PG 88, 937 D (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 186).

[25] Cyrille de Scythopolis, Vie de saint Sabas, 28 [113,9] (Trad. A.-J. Festugière, Les moines d’Orient, III/2, Paris, 1962, p. 39).

[26] Chapitres 99 et 101 (PG 150, 1272C-1273A). Traduction anglaise de E. Kadloubovsky et G. E. H. Palmer, Writings from the Philokalia on Prayer of the Heart, Londres, 1951, p. 57-58. Traduction française de J. Touraille dans : La Philocalie, vol. 2, Paris, 1995, p. 394-395.

[27] Archmandrite Kallistos (Ware), « Separated from all and united to all : The Hermit Life in the Christian East », Solitude and Communion. Papers on Hermit Life given at St. David’s, Wales in the Autumn of 1975. (Ed. by A. M. Allchin). Oxford, s.a., p. 43.

[28] Arximandrit Leonid (Kavelin), «Kipriån do vosπestviå na moskovskuœ mitropoliœ», HIOIDR, 1867, kn. ËË, h. 1, p. 15-16 ; = « E√ƒim⁄a patr⁄arxa trßnovæskago poslan⁄e kß K√pr⁄anou mnixou, Ωivouwemou vß svet™i gor™ aƒonæsc™i », PriloΩenie k statæe V. Kahanovskogo, « K voprosu o literaturnoj deåtelænosti bolgarskago patriarxa Evfimiå », XH, 1882, h. ÛÛ, p. 246.

[29] Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 25-27, 37, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 572-575, 584-585.

[30] Historia monachorum in Aegypto, 24. (Ed. A.-J. Festugière, Subsidia Hagiographica 34, Bruxelles, 1961, p. 131-133).

[31] Jean Cassien, Institutions cénobitiques 2, 4 (Trad. de J.-C. Guy, SC 109, Paris, 1965, p. 64-65).

[32] Abba Isaïe, Recueil ascétique, logos 4 (= XI, 45-47). Trad. de Solesmes. SO 7, Bellefontaine, 1970, p. 61.

[33] Jean Climaque, L’Échelle, 27e degré, 92. PG 88, 1116C (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 287).

[34] Grégoire le Sinaïte, « Sentences diverses », chapitre 102 (PG 150, 1273A), , La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 395.

[35] Jean Climaque, L’Échelle, 14e degré, 21. PG 88, 868A (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 154).

[36] Jean Climaque, L’Échelle, 14e degré, 37. PG 88, 869A-B (Trad. P. Deseille, SO 24, Bellefontaine, 1987, p. 156).

[37] Marc le moine, Traités spirituels et théologiques, VIII, 4. PG 65, 1108 D. (Trad. C.-A. Zirnheld, SO 41, Bellefontaine, 1985, p. 184).

[38] Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, « Cent chapitres gnostiques », 47. (Trad. E. Des Places, SC 5ter, Paris, 1966, p. 112-113).

[39] « E√ƒim⁄a patr⁄arxa trßnovæskago poslan⁄e kß K√pr⁄anou mnixou, Ωivouwemou vß svet™i gor™ aƒonæsc™i », XH, 1882, h. ÛÛ, p. 240.

[40] Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 32-33, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 580-581.

[41] Citation de : Isaac le Syrien, Œuvres spirituelles, Discours 85. (Trad. J. Touraille, Paris, 1981, p. 423-424) dans : Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 33, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 581.

[42] Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 34-35, La Philocalie, (trad. J. Touraille), tome 2, Paris, 1995, p. 583.

[43] A. Schmemann, « Jeûne et Liturgie », Irénikon 27 (1954), p. 293.

[44] Ibid., p. 298.

[45] Ibid., p. 294-295.

[46] Cf. J. Van Rossum, « L’Eucharistie chez saint Grégoire Palamas : l’homélie sur les saints et redoutables mystères du Christ », Contacts 202 (2003), p. 181.

[47] Nicodème l’Hagiorite, Livre très utile sur la communion fréquente des saints mystères du Seigneur. ***

[48] Kallistos (Ware), « The Jesus Prayer in Saint Gregory of Sinai », Eastern Churches Review 4:1 (1972), p. 11.

[49] « E√ƒim⁄a patr⁄arxa trßnovæskago poslan⁄e kß K√pr⁄anou mnixou, Ωivouwemou vß svet™i gor™ aƒonæsc™i », XH, 1882, h. ÛÛ, p. 244.

[50] Ibid., p. 240.

[51] Ibid., p. 240.

[52] Cf. J. Mateos, « Un horologion inédit de Saint-Sabas », Studi e testi 233, Vatican, 1964, p. 54-55.

[53] Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 91, La Philocalie, tome 2, Paris, 1995, p. 632.

[54] Basile le Grand, Lettre XCIII. (Éd. Y. Courtonne, Lettres, I, Paris, 1957, p. 203-204).

[55] Historia monachorum in Aegepto VIII, 50, 56-57. (Éd. A.-J. Festugière, Subsidia Hagiographica 34, Bruxelles, 1961, p. 66-69.

[56] Calliste et Ignace Xanthopouloi, « Centurie spirituelle » 92, La Philocalie, tome 2, Paris, 1995, p. 636.